Histoires de courage - Jean-François Deniau

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Histoire de dire Non

Jean-François Deniau a tout fait: de la guerre à la morale, en passant par ses aventures maritimes et ses engagements politiques. Aujourd'hui, il prend son courage à deux mains pour reprendre la plume, faire part de sa riche expérience, et nous livrer quelques réfléxions éparses sur cette vertu malmenée qu'est le courage. Les personnalités qu'il a pu côtoyer, la solitude qu'il a pu éprouver et les situations dont il a su relever le défi font de lui, au delà du personnage littéraire et politique, un exemple d'une grande force. Mais ce livre, s'il ne manque pas de vigueur, reste un peu en retrait de ses promesses…

Il y a d'abord le témoignage d'un homme qui, comme il le rappelle lui-même malicieusement, a connu la déclaration de guerre entre l'Italie et la France, et qui jette au loin un regard synoptique sur ce qui s'est passé. On est certes jamais très loin de la rengaine sur le bon vieux temps, celui où les hommes virils et courageux osaient entreprendre de nouveaux destins, affronter de nouveaux horizons: mais ce genre de ritournelle est tout de même évité par le ton très vivant de Jean-François Deniau. Il n'y a rien dans ce qu'il dit qui tienne du radotage idéologique, chaque invocation de la morale est amplement soutenue par une expérience, qu'elle soit intime, intellectuelle ou littéraire. Et sa défense du courage ne manque pas de coeur.

« La tête et les jambes ? Le coeur. »

Le coeur? C'est justement cet organe qui fait battre l'ouvrage et tourner les pages. Jean-François Deniau ne fait pas de longues digressions théoriques sur le courage, malgré quelques évocations de Platon et Aristote. Il ne va pas chercher dans les discours officiels ce qui fait le nerf de cette vertu, mais nous place dans des situations particulières, situations propices à la révélation d'une conduite courageuse. De la guerre à la mer, de la libre parole politique au pouvoir d'affronter le quotidien, le courage finit par rimer toujours avec la force de "tenir debout". Car il n'y a pas de courage sans la peur qui l'affronte, pas de résistance sans chaos des éléments: c'est ce que mettent en valeur les nombreuses anecdotes mises en scène par Jean-François Deniau, anecdotes tant personnelles que rapportées du patrimoine historique. Au lieu d'en venir à des définitions cérébrales, il redonne du sens à des impulsions communes, comme pour saluer une dernière fois les comportements qu'il éclaire et admire.

L'amour du risque

Un brin de nostalgie vient teinter le discours de l'auteur lorsque celui-ci constate qu'il n'y plus de terre à découvrir, que même la lune est complètement démystifiée, que les campagnes en faveur des explorations martiennes tiennent plus du marketing et de la compétition scientifique que de désir réel d'explorer, à ses risques et périls, l'inconnu. Aujourd'hui, tout se passe comme si nous étions de plus en plus pressés d'oublier que nous n'avons rien d'urgent à faire. Seul l'aventurier (mais ce terme a un sens très large pour Jean-François Deniau) rencontre de vraies urgences, celles qui lui sont dictées par la survie, par les besoins solides de l'action. Le problème, c'est que cette légère nostalgie finit par entraîner avec elle un discours un peu simpliste et désuet sur notre perte de repères, sur le prochain siècle comme "siècle du doute", sur l'introduction de l'incertitude dans tous les domaines du savoir, toutes considérations qui ne font qu'alimenter cette "barbarie de l'indifférence" contre laquelle l'auteur entend se soulever.

Où est l'avenir ?

Sa dénonciation de l' "effet d'annonce" comme moyen médiatique et pervers d'introduire un décalage entre pensée, parole et action, est très juste. Et même si certaines formules ont la maladresse de celui qui doit se répéter pour se faire entendre, le tout reste d'une vigueur à elle seule expressive. Mais, même si le discours de Jean-François Deniau a les armes de la vivacité et de l'expérience pour nous persuader, même s'il dégage une force qui nous encourage habilement au courage, il y manque un je-ne-sais-quoi de nouveauté qui emporterait la conviction de manière décisive. On y trouvera une énergie exmplaire, mais nous serons seuls avec nous-mêmes pour savoir comment l'employer. C'est peut-être ça le courage.