Lettres sur l'astrologie - Maïmonide

A l'heure où une université nommée Descartes (Paris-V) a fait passer son doctorat de sociologie à une astrologue (Elisabeth Teissier), cette édition séparée de la lettre sur l'astrologie de Maïmonide n'est pas de trop. Alors que les astrologues se réclament et s'autorisent d'une tradition ancestrale, c'est en plein coeur du Moyen-Age, à la croisée des traditions philosophiques et religieuses que s'élève la voix de la raison.

Il y a deux attitudes pareillement dangereuses à l'égard de l'astrologie: celle qui répudie sans s'étonner de son succès; celle qui prend note de ce succès et cherche coûte que coûte à le disperser. La première laisse vivre l'irrationnel dans son coin, sans se préoccuper du danger. La deuxième le pourchasse avec une telle ferveur que l'impuissance à faire entendre raison au superstitieux devient presqu'un argument en faveur de ses convictions. Mais on ne combat pas des convictions névrotiques avec des raisons cartésiennes. De sorte qu'on ne sait jamais vraiment que dire contre l'astrologie qui ait force de persuasion: tantôt on s'enferme dans un discours purement rationnel, et l'on atteint personne; tantôt on désarçonne tellement l'interlocuteur qu'il n'a plus le loisir de se croire encore raisonnable.

Maïmonide (1138-1204), dans une prose péremptoire, trouve la juste distance. A l'idée que l'astrologie est une science vénérable parce qu'ancienne, il oppose l'autorité plus vénérable encore des seuls Anciens qui comptent aux yeux de la philosophie: les Grecs. Et s'il se réfère aux Grecs, c'est pour rappeler que l'histoire de l'astrologie n'est qu'un contre-sens généralisé sur l'astronomie. Dire qu'un premier moteur divin gouverne les sphères célestes n'a jamais empêché Aristote de penser que toute les affaires humaines sont essentiellement agitées par le hasard. Et si, aux yeux de Maïmonide, il se trompe finalement, ce n'est pas tant qu'il néglige de faire peser les lois du ciel sur les trajectoires humaines, mais c'est que la théologie aristotélicienne est incompatible avec les Ecritures.

Maïmonide s'attache donc à montrer que, pour ce qui est de la rationalité de leur cosmologie, les Grecs ne peuvent être critiqués, ni tirés du côté de ceux qui soutiennent une influence du cours des astres sur la vie humaine, quand bien même ils employèrent leur énergie à décrire et comprendre les mouvements du ciel. Et si la conception hébraïque d'une création ex nihilo vient finalement invalider leur système de pensée, ce n'est pas pour redonner vigueur aux superstitions qui se nourrissent de ses débris. L'ordre de la raison ne se soumet pas si facilement aux injonctions de l'ignorance.

Cette lettre à connu un destin particulier, traduite à part dès les débuts de l'imprimerie, puis largement diffusée comme modèle de lutte contre l'astrologie. Il semble que ce n'est pas tant grâce à la force des arguments avancés, que par cette habileté à discerner le juste ton à employer. Ne pas trop entrer sur le terrain des polémiques, mais détruire cette illusoire tradition sur laquelle l'astrologie s'appuie, montrer qu'il n'y a rien d'autre dans ces traditions qu'un ensemble d'habitudes nourries d'ignorance. Car il n'importe de garder dans la tradition que ce dont nous pouvons rendre raison, encore aujourd'hui.