La philosophie hors du boudoir
Il y a vingt ans, deux philosophes faisaient un pari un peu fou: donner à lire des philosophes contemporains à des élèves de Terminale. Aujourd'hui, non seulement ils proposent une réédition de ce Philosopher 1, mais ils avancent en plus un Philosopher 2 , tome tout aussi volumineux et ambitieux. Cette expérience d'une exigence très haute pour des classes de Terminale a, semble-t-il, trouvé un public.
Il ne s'agissait pas, avec cette première édition de Philosopher (devenue aujourd'hui Philosopher 1 ), d'un simple recueil de morceaux choisis: tous les textes qui y étaient regroupés étaient des inédits, écrits avec la pleine conscience du projet qui les rassemblait. Ce projet pouvait se résumer en trois points: 1) montrer aux élèves de Terminale que la philosophie est bien ancrée dans son temps; 2) montrer l'actualité des penseurs plus classiques en ce qu'ils nourrissent toujours la réflexion des philosophes contemporains; 3) établir un dialogue à trois, entre l'élève, le professeur de Terminale et le texte. Les visées pédagogiques venant donc enrichir le propos didactique.
Donner sa chance à l'exigence
Chaque auteur convoqué s'est vu attribué un thème, selon sa spécialité. Les articles, denses et courts, permettent à la fois une investigation générale autour d'un sujet et une préparation adéquate à la réflexion. La démarche est à la fois historique et critique, ce qui incite le lecteur à consulter les auteurs cités par l'article, à lire les classiques l'esprit alerté par les polémiques contemporaines. Le pari le mieux tenu est certainement celui de proposer des textes introductifs complets, susceptibles d'être lus de manière autonome - ce qui manque souvent aux textes recueillis dans les manuels scolaires.
Aujourd'hui, ce projet est repris dans un livre intitulé tout simplement Philosopher 2 . Sous la direction des deux mêmes auteurs, l'ouvrage reprend fidèlement ses objectifs d'il y a vingt ans. Seule inflexion sensible, la déclaration plus ouverte d'un ratachement aux Lumières et à Kant, la revendication d'une pensée qui, sans renoncer à son statut publique, s'interdit toute concession démagogique. Par les temps qui courent, ce genre de déclaration n'est pas à prendre à la légère, d'autant plus que le projet ici réalisé l'a été avec le plus grand sérieux.
Des noms !
Des noms ? Ils parlent souvent d'eux-mêmes pour le tome 1: Jean-Pierre Vernant, Jacques Bouveresse, François Châtelet, Vladimir Jankélévitch, Gilles Granger, Yvon Belaval, Tzvetan Todorov, Clément Rosset, Pierre Kaufmann, Michel de Certeau, George Mounin… Pour le tome 2, tous sont reconnus dans le milieu universitaire, mais moins du grand public: citons néanmoins Alain Badiou, Jean Salem, Hourya Sinacoeur, Robert Misrahi et Dominique Janicaud, noms qui seront certainement familiers à certains. Mais quand bien même quelques uns nous seraient moins connus, ce sont pour la plupart des universitaires attachés à montrer qu'on ne fait pas de la philosophie enfermé dans un livre ou encapsulé dans une idéologie. Et vu la rigueur et l'"efficacité" des articles ici présentés, on peut d'ores et déjà deviner que ces deux ouvrages n'intéresseront pas seulement les bacheliers…